III
Apparition d ‘une situation
humanitaire extrême à la suite
de loccupation par l’Arménie de
terres azéries
Les 20 % de terres azéries occupées par l’armée arménienne à la suite de l’agression des années 1988- 1994, comprennent, outre l’ancien oblast autonome du Haut-Karabakh (OAHK), ainsi que les territoires des 7 districts voisins (Latchin, Kelbadjar, Agdam, Fizûlî, Jabrayil, Goubadly et Zangilan) une série de localités. Au total, le territoire des districts azéris occupés et ne faisant pas partie du territoire de l’ancien OAHK, dépasse de quatre fois le territoire de la région Haut-Karabakh.
Les normes fixées par de nombreux accords internationaux adoptés dans le domaine des droits de l’homme, ont toutes été enfreintes. Y compris les dispositions de la Déclaration universelle des droits de l’homme, du Pacte international sur les droits civils et politiques, du Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, de la Convention contre les tortures et autres brutalités, les types de traitements et de punitions inhumains ou humiliants, de la Convention sur les droits des enfants, sont fortement enfreintes. En outre, durant l’agression armée, ont également été bafouées les normes du droit humanitaire international, y compris les dispositions de la Convention de la Hague du 18 octobre 1907 sur les lois et les usages des troupes terrestres (Convention IV), de la Convention de Genève du 12 août 1949 sur la protection de la population civile en temps de guerre, de la Convention de Genève du 12 août 1949 sur le traitement des prisonniers de guerre, du Protocole supplémentaire des Conventions de Genève du 12 août 1949 concernant la protection des victimes de conflits armées internationaux (1977), de la Résolution de l’Assemblée Générale de l’ONU № 3318 (XXIX) du 14 décembre 1974 « Déclaration sur la protection des femmes et des enfants dans des circonstances extrêmes et en période de conflits armés ».
Ces crimes commis par l’Arménie à l’encontre de la population azérie locale tombent dans la catégorie des crimes contre l’humanité. Un relevé détaillé fait état de: 20000 tués, 50000 blessés et mutilés, des milliers de disparus., Parmi ces derniers, nombre d’entre eux (parmi ceux qui ont échappé par miracle aux massacres et aux exécutions de toutes sortes) ont été pris en otage et contraints au travail forcé. Selon différents témoignages, les prisonniers de guerre et les otages ont été torturés et soumis à des traitements inhumains, quant aux blessés et aux malades ils n’ont reçu aucune assistance médicale. Actuellement, la majorité des prisonniers de guerre et des otages est retenue dans la République d’Arménie et sur les territoires occupés par elle. Or le Comité International de la Croix Rouge (CICR) n’est pas tenu informé.
Un des plus terribles crimes contre le peuple azéri a été commis dans la ville de Khodjaly. Une tragédie entrée dans l’histoire de l’humanité au même titre que les tragédies de Katyn et de Lidice. Ainsi, dans la nuit du 25 au 26 février 1992, après avoir pris la ville de Khodjaly située entre Khankendi (Stepanakert) et Askeran, les forces armées d’Arménie conjointement avec les formations armées arméniennes dans le territoire de la région du Haut- Karabakh de l’Azerbaïdjan, se sont livrées à un massacre d’une ampleur inouïe. Les acteurs en ont été principalement les hommes du 366e régiment de fusiliers motorisés basé à Khankendi de l’ancienne URSS et plus précisément le 2e bataillon sous le commandement du commandant Seïran Mouchegovitch Oganian (actuellement ministre de la défense de l’Arménie), le 3e bataillon sous le commandement d’Evgueni Nabokikhin, le chef de l’état-major du 1er bataillon Valéri Isaevitch Tchitchian et plus de 50 officiers et sous- officiers servant sous leurs ordres.
Avant l’attaque, Khodjaly a été soumise à un bombardement intensif le soir du 25 février et, suite à cela, des incendies se sont déclarés un peu partout dans la ville. Le 26 février vers 5 heures du matin elle était totalement la proie des flammes. Environ 2500 personnes, les derniers habitants restés dans la ville entourée par les Arméniens, ont alors été obligés de la quitter. Ils espéraient arriver jusqu’à la localité azérie la plus proche du district d’Agdam mais ils sont tombés dans les embuscades tendues par les combattants arméniens et ils ont été sauvagement abattus.
Bilan: 613 tués, dont 63 enfants, 106 femmes, 70 vieillards. Des personnes ont été décapitées, d’autres ont eu les yeux crevés, les ventres de femmes enceintes ont été percés avec des baïonnettes. Durant cette action sanglante, 1275 personnes ont été faites prisonniers, 150 ont disparu corps et biens, 487 dont 76 mineures ont été mutilées. La ville de Khodjaly a été totalement rayée de la carte.
Une partie de la population de la ville a été abattue en tombant dans les embuscades alors quelle essayait de fuir les violences. Selon des informations du Centre de défense des droits russe « Mémorial », sur 200 corps d’Azéris tués à Khodjaly et qui ont été transportés à Agdam on a relevé des dizaines d’actes de profanations. Une expertise médico- légale réalisée à Agdam sur 181 corps (dont 130 hommes, 51 femmes et 13 enfants) a établi que 151 personnes sont mortes par balles, 20 personnes de blessures dues à des éclats, 10 personnes à cause de coups avec des objets lourds. Un rapport de Mémorial rend compte de ce qui suit: «…Les fuyards ont été repoussés sur les postes arméniens et ont leur a tiré dessus. Une partie des réfugiés a tout de même réussi à passer à Agdam ; une partie, principalement des femmes et des enfants (impossible d’établir le nombre exact), est morte de froid durant le voyage dans les montagnes,… un certain nombre de prisonniers a été fusillé… Durant quatre jours, 200 corps ont été amenés à Agdam. Plusieurs dizaines de corps avaient des marques de mutilations. Les médecins du convoi sanitaire de la ville d’Agdam ont découvert au moins quatre corps mutilés et un corps avec la tête coupée… Dans ce même convoi sanitaire, il est même fait état d’un cas de scalpage d’une personne vivante… » 1.
Il convient de noter que Serge Sargsian, devenu Président de l’Arménie en 2008, est l’un des organisateurs de cette sanglante opération réalisée contre la population de la ville de Khodjaly. Le journaliste britannique Tom de Vaal, évoquant cette question, écrit: « Quand j’ai demandé au commandant militaire arménien Serge Sargsian de raconter l’occupation de Khodjaly, il a répondu avec prudence : « Nous préférons ne pas parler de cela à haute voix ». Tom de Vaal note ensuite que Sargsian s’est exprimé plus honnêtement et rigoureusement sur les événements passés : « Je pense que le plus important était une autre question. Jusqu’à Khodjaly les Azéris pensaient que l’on pouvait plaisanter avec nous, ils pensaient que les Arméniens n’étaient pas capables de lever la main contre la population civile. Nous avons réussi à casser ce stéréotype » 2.
On peut donc certifier que des crimes contre l’humanité en série ont été planifiés contre des centaines de milliers d’habitants pacifiques des districts de Latchin, de Kelbadjar, d’Agdam, de Fuzûlî, de Jabrayil, de Goubadly et de Zangilan.
Avec l’occupation de la région du Haut-Karabakh et des territoires voisins de l’Azerbaïdjan, des milliers de personnes ont été faites prisonnières et prises en otage ou ont disparu. Comme on le sait, les otages et les prisonniers de guerre font partie de la catégorie des personnes qui sont sous la protection du droit humanitaire international. Lequel interdit l’utilisation de méthodes répressives violentes envers les personnes de cette catégorie. Il exige même d’assurer leur sécurité. Or selon les données de la Commission d’Etat pour les affaires des prisonniers de guerre, des otages et des citoyens disparus de la République d’Azerbaïdjan, parmi la population civile et les prisonniers de guerre devenus victimes de la guerre, il y a en qui ont subi des traitements inhumains sous différentes formes de tortures physiques et morales, d’exécutions, et même d’expérimentations médicales. Résultat : des otages et des prisonniers de guerre sont morts sous la torture ou sont décédés des suites de leur détention dans des conditions insupportables. Certaines personnes libérées sont devenues des handicapés à vie.
Toujours selon la Commission d’état, le nombre de prisonniers disparus et d’otages était de 4049 personnes. Parmi eux, on compte 3273 prisonniers de guerre, 771 civils et 5 personnes qui n’ont pas été identifiées. Détails : 47 civils au moment de leur disparition étaient mineurs (parmi eux 17 très jeunes filles). Il y avait également 247 femmes et 347 personnes âgées (dont 149 femmes). Jusqu’à aujourd’hui, il n’a été libéré que 1399 personnes relevant des catégories de prisonniers de guerre et d’otages. Parmi elles on compte 343 femmes et 1056 hommes. Il y avait dans ce lot 170 enfants (dont 65 très jeunes filles), 289 personnes âgées (dont 112 femmes âgées). L’analyse des matériels arrivant à la Commission d’état établit que 553 personnes ont été tuées en captivité délibérément ou sont mortes pour différentes raisons. Il y avait parmi elles 104 femmes et 448 hommes. 74 de ces personnes n’ont pu être identifiés.3
La politique de nettoyage ethnique réalisée par les forces arméniennes à l’encontre de la population azérie dans les territoires occupés, a transformé ces territoires en une zone mono-éthnique. Ainsi, l’Arménie a transformé en réfugiés 71000 citoyens azéris du district de Latchin, 74000 du district de Kelbadjar, 165600 du district d’Agdam, 146000 du district de Fuzûlî, 66000 du district de Jabrayil, 37900 du district de Goubadly, 39500 du district de Zangilan. Au total, ce sont donc plus de 660 000 personnes de la population civile des territoires occupés de Г Azerbaïdjan qui ont été transformées en déplacés forcés. En outre, plus de 100000 citoyens azéris installés dans les territoires et les terres voisines des territoires occupés par l’Arménie ont trouvé refuge sur d’autres territoires de Г Azerbaïdjan. D’autre part, comme cela a été noté précédemment, fin 1988 – début 1989 plus de 250 mille Azéris de souche ont été déportés du territoire de l’actuelle République d’Arménie et ils se sont installés en qualité de réfugiés en Azerbaïdjan. Ainsi, suite à la déportation des Azéris du territoire de l’actuelle Arménie, à l’occupation par elle de 20 % du territoire de Г Azerbaïdjan et à la politique de nettoyage ethnique réalisée par elle sur les territoires occupés, on compte que, plus de 1 million d’Azéris ont été expulsés de leurs terres historiques, et se sont retrouvés dans la situation de réfugiés. Les personnes appartenant à cette catégorie ont été provisoirement installées dans 62 villes et districts de Г Azerbaïdjan, dans plus de 1600 objets de résidence.
En outre, vu la détérioration des conditions de vie de la population dans les districts azéris occupés par l’Arménie, la croissance naturelle de cette population a brutalement baissé et, parallèlement, la mortalité infantile a augmenté. Dans tous les districts occupés dans la période de 1989- 1998, la baisse de la natalité pour chaque 1000 personnes a varié entre 11,2 et 22,6 personnes. Dans tous les districts occupés, les indices démographiques ont été inférieurs au niveau moyen de la République. L’état de choc dans lequel les personnes ont été plongées est évidemment la principale raison de cet état de chose.
Un des problèmes les plus douloureux auquel doivent faire face les réfugiés et les déplacés est celui de leur insertion professionnelle. Selon la Commission d’État sur les 301359 réfugiés et déplacés forcés en 1999,196380 personnes (soit 65,2 %) étaient sans ressources humaines ni travail. Selon les données de 1999, 74000 déplacés forcés ont été installés dans des villes de tentes dans lesquelles il n’y avait pas les conditions nécessaires, 99 000 dans des localités composées de maisons assemblées, 17500 personnes dans des édifices publics, des écoles, des jardins d’enfants et des foyers, 20200 mille chez des parents, les autres – dans des appartements occupés, des constructions non finies, des fermes, des wagons ferroviaires ou simplement dans la rue. La santé des enfants nés dans de pareilles conditions mais également de leurs parents, en l’absence de chauffage normal, d’électricité et de conditions sanitaires et hygiéniques normales, est en danger.
Cette situation humanitaire extrême apparue en Azerbaïdjan a fait à plus reprises l’objet de résolutions de l’ONU
Ainsi, dans sa Résolution № 822 (1993) du 30 avril 1993, le Conseil de Sécurité de l’ONU exprime sa profonde inquiétude face au déplacement d’un grand nombre de civils et à l’apparition d’une situation humanitaire extrême dans la région.
Et dans sa Résolution № 853 (1993) du 29 juillet 1993, il exprime de nouveau sa profonde inquiétude face au déplacement d’un grand nombre de civils et à la formation d’une situation humanitaire extrême en Azerbaïdjan. Comme on peut le constater, la situation en cours dans la région est décrite plus précisément dans cette seconde résolution puisqu’elle fait mention du territoire de l’Azerbaïdjan.
Dans la Résolution № 874 (1993) du 14 octobre 1993, le Conseil de Sécurité de l’ONU exprime une nouvelle fois sa profonde inquiétude face au fait que des personnes souffrent des conséquences de l’agression, mais également de la situation humanitaire extrême présente dans la région et du déplacement d’un grand nombre de civils en Azerbaïdjan.
Dans la Résolution № 884 (1993) du 12 novembre 1993, le Conseil de Sécurité de l’ONU exprime à nouveau sa profonde inquiétude face au déplacement d’un grand nombre de civils et à la formation d’une situation humanitaire extrême dans le district de Zangilan, dans la ville de Goradis et sur la frontière sud de l’Azerbaïdjan.
Dans la Résolution № 48/114 du 20 décembre 1993, « Aide internationale urgente aux réfugiés et déplacés forcés en Azerbaïdjan » l’Assemblée Générale de l’ONU exprime sa profonde inquiétude face à la détérioration permanente de la situation humanitaire en Azerbaïdjan suite au déplacement d’un grand nombre de civils. Une des principales valeurs de cette résolution consiste en ce que, pour la première fois, il est confirmé dans un document international que le nombre de réfugiés et de déplacés forcés en Azerbaïdjan suite à l’agression de la part de l’Arménie a dépassé un million de personnes [20].
Dans la Résolution № 62/243 du 14 mars 2008 « Situation dans les territoires occupés de Г Azerbaïdjan », l’Assemblée Générale de l’ONU note l’influence négative de la guerre du Haut-Karabakh dans le développement et la situation humanitaire dans les pays du Caucase du Sud.
Au XIe sommet de l’Organisation de la Conférence Islamique qui s’est tenu les 13-14 mars 2008 à Dakar (République du Sénégal), la Résolution № 10/11-P (IS) « Sur l’agression de la République d’Arménie contre la République d’Azerbaïdjan » précise que l’OCI « est profondément inquiète par la transformation de plus d’un million d’Azéris en réfugiés et déplacés forcés suite à l’agression arménienne, mais également par la gravité de ce grand problème humanitaire ». Dans l’article 21 de cette résolution, il est également noté que l’OCI « exprime son inquiétude face à l’aggravation du problème humanitaire en relation avec la présence sur le territoire de la République d’Azerbaïdjan de plus d’un million de réfugiés et de déplacés forcés »4.
1 Rapport du centre de défense des droits « Memorial » sur les violations massives des droits de l’homme en relation avec la prise de la localité de Khodjaly dans la nuit du 25 au 26 février 1992 par des formations armées // http://karabakh-war.com/khojaly-massacre/memorial-khojaly/
2 Vaal de T. Jardin noir. Arménie et Azerbaïdjan entre paix et guerre / Trad, de l’anglais – M.: Texte, 2005, p.235
3 The State Commission of the Republic of Azerbaijan on Prisoners of War, Hostages and Missing People. Prisoners of War, Hostages and Missing Persons // http://www.human.gov.az/?sehife=etrafli&sid= MTYzMjAzMTEyNDM2NDcyMw==&dil=en.
4 Resolution No.lO/ll-P(IS) on the Aggression of the Republic of Armenia against the Republic of Azerbaijan. The Eleventh Session of the Islamic Summit Conference (Session of the Islamic Ummah in the 21st Century), Dakar, Republic of Senegal, 13-14 March 2008 //http://www.oic-oci.org/isll/english/ res/1 l-SUM-POL-RES-FINAL.pdf