Le Mugham azerbaïdjanais a une valeur exceptionnelle, reconnu par l’UNESCO parmi les chefs-d’œuvre culturel du patrimoine oral et immatériel de l’humanité. En Azerbaïdjan même, là où le mugham est considéré comme partie intégrante et fondamentale des valeurs culturelles du peuple, cette décision a été accueillie avec ferveur comme la reconnaissance des artistes interprètes de ce genre, et comme une volonté d’attirer l’attention de la communauté culturelle mondiale sur ce patrimoine unique.
Se développant au fil des siècles, le mugham a atteint son apogée durant la période nommée par les spécialistes de ‘la Renaissance d’Orient’. A cette époque, l’héritage de la culture azerbaïdjanaise s’inspire de la civilisation gréco-romaine, de la littérature à l’architecture, donnant lieu à des chefs-d’œuvre de la culture mondiale. Cependant, malgré les siècles d’évolution, l’essence du mugham, ni même sa signification, n’a changé.
Si bien qu’à ce jour, le mugham est toujours une musique à part, à la fois héritage du passé, et exploration des limites de la modernité artistique. Des exigences strictes canoniques doit s’affranchir de façon harmonieuse la possibilité d’improviser ou de développer un thème créatif.
La culture unique des mughams s’est enrichie sur le terreau fertile de la philosophie, de la musique et de la littérature. L’interprète des mughams, lui, est souvent vu par les auditeurs comme porteurs d’une magie ancestrale ou d’un code archaïque, devant se transmettre d’une génération à l’autre, permettant aux gens un accès à une vérité éternelle et une sérénité de l’âme.
Les débuts créatifs et l’appropriation par les contemporains de cet héritage culturel des siècles passés est toujours un mystère. Aucun livre académique ne permet cette transmission dans toutes les nuances de cet art vivant. Pourtant, dans chacune de leurs interprétations, les chanteurs de mughams sont capables de montrer toute la vie de cet arbre éternellement vert, fait de musique et de poésie. Car c’est dans la poésie classique azerbaïdjanaise que le mugham, en tant qu’art musical, trouve toute sa profondeur allégorique et symbolique.
Ici, la langue d’Esope est combinée à un sens mystique, le contexte de chaque ligne poétique, son véritable sens ne se révélant qu’aux connaisseurs de la philosophie orientale, celui des symboles et de l’allégorie, capables, elles, de révéler le sens caché aux non-initiés. Dès l’enfance, il y a chez tous les artistes de Mugham cette fascination pour cette forme de versification, largement répandue dans l’écriture des ghazels (un genre de poème azerbaïdjanais), la plus proche des exigences musicales des Mughams. Aucun interprète de Mugham ne peut vous dire combien de ghazels de différents poètes il connaît par cœur, mais quand il veut évoquer un thème particulier, la mémoire convoque à l’esprit les lignes dont ils ont besoin.
Le mugham était et reste toujours une inépuisable source d’inspiration pour les compositeurs azerbaïdjanais. Créé sur la base des morceaux classiques, les mughams symphoniques connaissent un grand succès auprès des orchestres de nombreux pays, autant occidental et qu’oriental. Le mugham connaît ainsi un large territoire d’expansion et d’explorations créatives pour les compositeurs contemporains. Les bons connaisseurs du genre pourront toujours en «saisir» la filiation, même si au premier regard, on est très loin de la citation directe du mugham.
En Azerbaïdjan, l’interprétation des mughams en solo est aussi répandue que les versions instrumentales. La composition des groupes de musiciens dans les mughams instrumentaux peut être variée, et d’après la règle, elle est souvent moins grande que ce qui est requis pour l’accompagnement. Cependant, parmi toute cette diversité et richesse d’interprétation des mughams instrumentaux, le purisme du mughams se joue dans l’interprétation en solo. L’auditeur y est bien plus à même de percevoir la mystique du sufisme, le «voyage dans l’astral», dont elle se réclame, allant à l’essentielde la méditation que permet la musique. Traditionnellement, les Azerbaïdjanais appellent les interprètes de mugham, «khanendé», chanteurs. Son chant est habituellement accompagné par des musiciens. Ce groupe de musiciens jouant des instruments nationaux, peut être différent: du trio (tar, kémantcha et def) jusqu’à un orchestre complet.
En Azerbaïdjan, il existe plusieurs grandes écoles formant ces chanteurs de Mugham. Bien que ce genre soit répandu dans toutes les régions du pays, les principaux centres créatifs, sont des écoles indépendantes, notamment à Bakou, Chamakhi, Gandja, Nakhitchevan et Choucha. L’école présentant le plus d’intérêt est celle du Karabakh à Choucha.
Les premiers enregistrements de mugham azerbaïdjanais ont commencé en 1902. Les pionniers en la matière étaient une compagnie anglaise du nom de «Gramophone», une autre allemande «Sport – records», ainsi qu’une compagnie française «Pathé – records». Depuis 1913, ces entreprises avaient ouvert leurs bureaux permanents à Riga, Moscou, Varsovie, Saint-Pétersbourg, Kiev, Tbilissi et Bakou. Les mughams azerbaïdjanais étaient également enregistrés par des compagnies russes comme «Concert records», «Monarch records», «Extraphone», «Gramophone Records», de même qu’une compagnie hongroise «Premier records». Un certain nombre d’enregistrements de mughams azerbaïdjanais, aussi vieux que précieux, ont d’ailleurs été édité par l’usine d’Avril et l’usine Noguipa lors de la période soviétique du pays.
Une grande partie des ces enregistrements sont conservés au sein des archives nationales d’Azerbaïdjan. Un certain nombre de mughams font ainsi l’objet d’une culture muséale en Azerbaïdjan. D’autres enregistrements tout aussi anciens sont aussi conservés au sein des archives nationales Britanniques.
Un excellent travail de restauration des enregistrements les plus anciens a été fait enAzerbaïdjan. En particulier les disques du début du XX siècle, lesquels ont été restaurés et convertis au format numérique. Enregistrés en un seul exemplaire, ils n’étaient pas destinés à être reproduit pour un usage commercial et la distribution.
Les bouleversements politiques provoqués par la première guerre mondiale, l’effondrementde l’empire russe et la création de l’Union Soviétique (l’URSS), ont amené le genre du mugham dans une crise profonde. L’idéologie soviétique le présentait comme suranné, ou comme manifestation prolétarienne étrangère. Même le tar, instrument de premier plan dans l’interprétation des mughams, n’a pu échapper à cette éviction, ne subsistant que de manière souterraine par rapport à la vie culturelle officielle. Cependant, la première série d’enregistrements en studio des maîtres d’arts de l’école de Karabakh, à l’époque soviétique, date des années 30 et 50. On y entend les voix de Khan Chouchinski, Zulfi Adigoezelov, Seïd Chouchinski, Aboulfat Aliyev,Mutallim Mutallimov, Yagoub Mammadov,Islam Rzayev, Arif Babayev, Murchoud Mammadov, Gadir Roustamov, Souleyman Abdoullayev. Un autre groupe d’interprètes a acquis une reconnaissance tardive à la fin du XX siècle, présentant des enregistrements de Vahid Abdoullayev, Sakhavat Mammadov, Zahid Gouliyev, Garakhan Beyboudov, Mansoum Ibrahimov, Sabir Abdoullayev, Fehruz Mammadov.
On dit que le peuple doit se préparer pendant des siècles à la reconnaissance d’un grand talent. Les berceuses qu’il écoute, les contes qu’il entend lui apprenant à distinguer le bien et le mal, les chansons l’initiant au patrimoine musical hérité de leurs ancêtres, convergent vers l’avènement de ce moment et la commémoration du jour de sa naissance. Si l’époque voyant naître ce grand talent n’est pas prêt à l’accepter, il peut, non seulement, ne pas se réaliser, mais également, être en souffrance jusqu’à la fin de sa vie. Aussi, le destin a-t-il été favorable aux chanteurs de mughams du Karabakh. Ils y sont nés, dans un contexte prêt à les apprécier et à les admirer, comme il se doit pour tout talent.
Le fait même d’être né au Karabakh a prédéterminé leur vie, là où presque tout le monde chantait, appréciait les valeurs d’une voix talentueuse et musicale. Chacun d’eux, sans que cela dépende du fait qu’il soit né en haut ou en bas Karabakh, à Choucha ou à Agdam, était prédestiné à être un connaisseur ou un chanteur de mugham, chantant autant les chansons populaires folkloriques, que formant le goût du public à ce genre de musique, créant ce milieu des maîtres du mughams, objet de culte et de vénération particulière.
On dit que le mugham façonne l’âme de l’être humain. A Karabakh, il s’agissait d’un processus de réciprocité avec la nature, elle-même formant les âmes à une certaine réceptivité à toutes les beautés, notamment celle de la musique. En développant cette culture, les représentants de l’école de Karabakh ont pour ainsi dire travaillé sur l’esprit même de leurs compatriotes. La beauté, l’harmonie, le calme, qualités cultivées pendant des années en Haut-Karabakh, elles-mêmes issues de l’environnement naturel, se manifestaient également dans la culture musicale comme dans le miroir.
La majorité des chanteurs de mughams du Karabakh sont nés à Choucha, ville à l’image de forteresse impénétrable, citadelle morale, mais tout autant, reliques culturelles sacré de tout un peuple, leitmotivs éternels s’incarnant dans la créativité.
L’histoire de Choucha était connue de chacun de ses citoyens, notamment grâce aux chroniques existantes racontant l’histoire du Karabakh: «Les récits poétiques sur le Karabakh» (‘Karabagnameler’ en azerbaïdjanais). Ce n’étaient pas pour eux, une œuvre manuscrite, mais une partie intégrante de leur vie d‘hier et d’aujourd’hui. De nombreux épisodes d’histoire y sont relatés, et se transmette oralement d’une génération à l’autre, en conservant les moindres détails des évènements et des lieux. ‘Karabagnameler’ est l’histoire vivante, présente à l’esprit au quotidien et dans les monuments architecturaux, la réalité devenant le point de convergence où la vérité historique passée et présente se mélange dans un tout harmonieux. Ainsi, l’histoire et la nature de cette régionont donné lieu au principal sujet de l’école de mugham du Karabakh. Le grand mugham dont le titre est «Karabakh chikastasi» en est la manifestation propre aux chanteurs du Karabakh.
Choucha a donné au monde de nombreux musiciens dont la majeure partie porte le surnom de Chouchinois, et ceci en conformité avec la phrase du poète Esenin: «Si ce n’est pas un poète, il n’est pas d’originaire de Chiraz, et si ce n’est pas un chanteur, il n’est pas originaire de Choucha». Tant de chanteurs, interprètes, compositeurs, musicologues connus venant de Choucha, qu’on pourrait en faire une encyclopédie des arts les répertoriant.
A vrai dire, Choucha a toujours été considéré comme le Conservatoire de l’Orient. La ville a connu un afflux constant de mélomanes, de chanteurs célèbres, d’étudiants ou d’amateurs. Cette ville n’était pas connue que des musiciens. Le nom de Choucha est le fruit de facteurs, d’actes et de paroles multiples pour créer ce phénomène. Combien de gens merveilleuxexerçantdes métiers aussi divers que variés sont nés ici, dans cette ville, et qui ont fabriqué leur instrument de leurs propres mains, ont construit de grandes salles de représentations, écrit de magnifiques poèmes, composé des chansons. L’atmosphère de cette ville a aussi été merveilleusement rendue dans le livre d’Alexandre Dumas où il parle de son voyage au Caucase et de Natavan, une poétesse azerbaïdjanaise souveraine du Karabakh.
Il en est de même pour la nature. Les sources pures, transparentes comme le cristal ont acquis une même célébrité. L’une est particulièrement connue, la source Issa, dit «Isa bulaq» en azerbaïdjanais assimilée par la plupart comme le symbole de Choucha. Les montagnes y sont aussi d’une beauté splendide, formant un plateau magnifique, créant une acoustique naturelle pour jouer à ciel ouvert. Ce cadre rocheux de «Djidir Duzu» a vu et entendu de nombreux de chanteurs aussi célèbres que brillants. Même l’espièglerie des petits garçons de Choucha, où ils sont omniprésents, n’a pas manqué de profiter de ce miracle de la nature. Leurs voix sonores apprenant à peine l’alphabet, s’y exercent déjà au mugham, dont l’écho des montagnes fait croire à un chœur de jeunes chanteurs. Une telle polyphonie faite du bruissement des arbres, des sources, et du chant des oiseaux ne pouvait trouver son pareil que dans la fantaisie des enfants.
En 1987, a eu lieu un festival international de mugham dont le titre était «Kharibulbul». Ce festival était nommé ainsi du nom d’une fleur unique n’existant que dans ces montagnes. Ce festival a mis dans la lumière une constellation de jeunes talents. Mais l’occupation de la ville de Choucha par les arméniens en 1992 a transformé chacun de ces talents, ces étoiles du mugham, en réfugié. Aujourd’hui, notamment, dans les camps de réfugiés des lauréats de ce festival, ils vous diront avec nostalgie et tristesse qu’après ces jours noirs d’exile, ils ne chantent plus. «Nous, le peuple de montagne, ne pouvons pas vivre et chanter dans la plaine. Notre âme est restée là-bas, à Choucha. Sans ruisseaux des montagnes et sans sources, sans air pur venant des sommets, sans les cris des oiseaux de Djidir Duzu, comment chanterions-nous»? Y a-t-il une réponse? On ne peut que frissonner à cette idée d’impuissance, alors que la perception du monde des âmes et des cœurs de ses enfants est si profonde.»
Conformément à une loi tacite, les réunions musicales, dites medjlis, à Choucha se subdivisaient en plusieurs niveaux. Les réunions musicales du premier niveau étaient celles de Choucha où étaient invités les musiciens professionnelles et où l’aristocratie était présente. Ce qui était le plus apprécié était que le chanteur interprète des poèmes inédits, peu importe s’ils avaient été trouvés dans des ressourcesmanuscrites ou bien écrit par des poètes plus modernes, les exigences n’étant liées qu’à la qualité des poèmes. Par contre, les mélodies entraînantes n’étaient jamais acceptées, le mugham devant s’écouter dans toutes ses nuances et ses passages.
Les réunions musicales du second rang n’étaient plus pour les meilleurs chanteurs. Ils y interprétaient aussi des mughams, mais après deux heures, il était permis de chanter une chanson populaire plus quelconque, et il était permis de danser ensemble.
La troisième classe des réunions musicales se composait de personnes souhaitants’amuser, se divertir. Les réunions de divertissements n’avaient pas de place pour la musique sérieuse, et au contraire on y entendait beaucoup de chansons gaies. Un chanteur de mughams digne de ce nom, ne fréquentait pas ce genre de réunions. Elles se destinaient davantage aux mariages. On y entendait des chansons mélodiques, au rythme rapide, et on y dansait.
Une telle classification a permis aux musiciens de garder leur niveau de performance pendant de nombreuses années, notamment grâce aux exigences de la première classe, et de même pour les auditeurs dans la qualité d’écoute requise. En réalité, ces réunions de connaisseurs de mugham a permis au genre lui-même de s’améliorer et de se développer, de faire évoluer tous ses canons tout en restant une forme vivante de l’art populaire.
Choucha est devenu célèbre grâce à ces réunions ‘medjlis’ de première classe et lui a valu le surnom de conservatoire de l’Orient. Ce n’est pas par hasard qu’il existe un tel proverbe en azerbaïdjanais « A Choucha, les enfants pleurent sur le thème du mugham de «Segah», mais ils rient aussi sur celui de «Shahnaz».
Dans la deuxième moitié du XIX siècle, l’écrivain Abdurrahimbey Hagverdiyev disait que si vous rencontrez un jour des musiciens à Bakou, à Chamakhi, à Achgabat, à Teheran ou à Istanbul, vous trouverez forcément parmi eux des musiciens de Choucha. Ils faisaient la renommée de ce style de musique dans tout l’Orient, et de tous côtés, il y avait un afflux de chanteurs à Choucha souhaitant l’acquérir. Au fil des années, lorsqu’ils sont devenus de glorieux chanteurs, ils ne citaient que les voix de Hadji Hussi, Sadigdjan, Mirza Mukhtar, Djabbar Garyagdioglou ou toutes autres personnalités du mugham du Karabakh.
Le premier boom pétrolier en Azerbaïdjan a eu une grande influence sur le développement de l’art du mugham. Organisé par des mécènes issu de l’industrie pétrolière à Bakou, «Les soirées Orientales» ont eu énormément de succès. Les interprétations des représentants de l’école de mugham du Karabakh, organisées dans différentes villes d’Azerbaïdjan, en particulier, à Bakou sont devenues des événements phare dans la vie musicale de ces années-là. C’est à l’époque de ces «Soirées orientales» qu’a commencé une ère de transformation de ces réunions musicales traditionnelles, rassemblant aussi bien les vrais amateurs que les moins initiés, au sein de concerts dont le succès reflétait l’importance de cet art et de cette culture.
Si bien qu’en cette fin du XX siècle, l’école de mugham du Karabakh aura offert au monde musical de nombreux brillants musiciens. Entre-temps, le conflit du Haut-Karabakh a empêché la succession des générations de chanteurs de mughams suivante. On dit que les muses gardent le silence lorsque les canons parlent. Les chanteurs de mughams de Karabakh ne se taisent pas, ils chantent. Mais dans leurs chansons, aujourd’hui, on entend leurs douleurs, leurs chagrins et leurs souffrances. Comme le célèbre chanteur Djabbar Garyagdioglou avait chanté autrefois: «Même si je suis au paradis, à quoi me sert-il sans le Karabakh».
Le monde se globalise, et il s’y déroule des changements incommensurables à une vitesse inouïe. La mobilité des flots de population qui n’existaient pas avant, la possibilité de transmettre les informations quasiinstantanément, les nouvelles technologies changeant la physionomie du monde, tout cela se déroule sur un fond de croissance en berne, de menace terroriste et de catastrophes naturelles. Dans un monde soumis à de telles tensions, l’être humain est semblable à un escarpement de faille. Ni les philosophies vantant la globalisation, ni celles prônant le contraire, ni même les arrangements et pourparlers suite au choc des civilisations, ne lui rendront l’harmonie perdue. Dans cette époque tourmentée, nous devons ensemble construire les bases de notre évolution future, étroitement liés au paradigme de la tradition. C’est seulement par la conservation des archétypes archaïques de chaque civilisation, la culture de chaque peuple, que nous pouvons arriver à une diversité culturelle, un monde où il serait possible de se protéger grâce à la force des traditions. La Convention de l’UNESCO va dans ce sens, vers une conservation des héritages et patrimoines oraux et immatériels.
Mehriban Aliyeva,
Ambassadrice de bonne volonté de l’UNESCO
Présidente de la Fondation Heydar Aliyev
Revue “İrs-Héritage”, № 1, 2011, s.24-29